Fredz ressemble à un personnage d’un film de Wes Anderson ou d’Harmony Korine. Coupe au bol, lunettes rondes. Post adolescent pas encore fixé, qui scrute le monde pour mieux le dépasser.
J’ai découvert Fredz par l’entremise d’un ami de longue date. Quelqu’un en qui j’ai énormément confiance, qui travaille avec peu d’artistes, et qui se laisse choisir que par les plus pertinents d’entre eux. Cet ami, c’est Henry-François Gelot. Gérant du groupe The Franklin Electric pour qui j’ai eu l’immense plaisir de travailler à mes débuts à La Tanière en 2015. Véritable perfectionniste, Henry est un humain merveilleux et il s’entoure de gens qui lui ressemblent. Il me présente l’univers de Fredz en me disant que j’allais l’adorer. Que j’allais sûrement aimer sa musique si j’avais un penchant pour le son urbain et le rap poétique, mais que j’allais surtout aimer la personne, ce qui l’entoure et comment il fait les choses différemment, avec intelligence, sagesse et modernité. Il me dit « David, tu vas voir. Le mec il a une coupe bol, des lunettes rondes, il présente une façade hyper modeste un peu à la Harry Potter, mais tu dois aller voir plus loin ». C’était suffisant pour me donner envie d’aller entendre et me laisser prendre au jeu. Une sorte de magnétisme émane de lui comme si on le connaissait déjà, qu’on l’aimait même avant qu’il ouvre la bouche. Sur les réseaux sociaux, je le vois actif, débrouillard, en échange quotidiennement avec un public que je vois grandir d’un jour à l’autre. Il présente des bouts de chansons de manière très adroite à chaque semaine à la façon d’un « freestyle ». Les extraits de ses chansons sont forts et le public en redemande. Autodidacte et produisant lui-même ses « beats », Fredz m’accroche concrètement lorsque j’entends en primeur et en secret l’album au complet. Cet album, Astronaute, verra donc ensuite le jour en février 2022 et, nous le savons maintenant, a propulsé l’artiste vers des centaines de milliers de fans et d’auditeurs en plus de l’amener sur les plus grandes scènes estivales de Osheaga au FEQ en passant par Les Rythmes du Monde ou Le Festival des Montgolfières, pour ne nommer que ceux-ci.
À la rencontre de Frédéric, j’ai constaté toute la douceur et l’humanisme de ce jeune homme. Avec la modestie d’un moine, Fredz nous livre des textes vrais, sans grandiloquence ni prétention dans un amalgame de rap, de pop.
La musique dans la vie de Fredz, c’est d’abord le vieil iPod de sa mère, qu’il emprunte pour écouter Léonard Cohen, pas mal de musiques anglo-saxonnes. Il s‘imagine alors sur scène, à la place de ceux qu’il écoute. Il s’essaye à la guitare, devient beatmaker. Jusqu’au jour où il s’achète un micro et un peu de matos: “Ça a été un déclic. Une révélation. J’avais en fait envie d’écrire, envie d’expérimenter, sans aucune limite.”
Insister est décidément une bonne chose.
Depuis, le beatmaker de l’ombre a laissé sa place à un rappeur dans la lumière. Et il est entouré d’une équipe artistique. Fredz s’intéresse désormais plus aux arrangements. Et bien sûr, aux textes. Ses textes. Minutieux et poétiques. On devine chez Fredz l’envie d’en découdre avec les apparences. Avec un esprit résolument DIY: “Je fais tout depuis ma chambre. C’est très important pour moi. On y va avec ce qu’on a comme on dit! Je veux pouvoir tout gérer, tout contrôler artistiquement…” précise-t-il. Fredz aurait pu choisir de n’être qu’un énième rappeur. S’appeler MC Snow. Non. Ce timide avéré voulait se démarquer, s’épanouir, ne pas être comme tout le monde. Fredz démontre avec sa musique qu’on peut viser juste sans se perdre. Chanter des choses parfois même douloureuses sans chuter dans le pathos navrant. Pour ça, il a eu une idée géniale: Créer un alter ego. Sara. Explications: “Sara est l’héroïne de mes histoires, un personnage. Tout le monde se demande qui elle est. Elle peut être moi, mon ennemie, mon amoureuse, quelqu’un qui s’est suicidé, elle peut être n’importe qui. Créer Sara m’évite le “moi, moi, moi”, l’ego trip, qui peut vite fatiguer”. Sara a peut-être existé. Allez savoir. Elle est peut-être un amalgame salutaire. Des émotions surgies d’un passé. Une inspiration. Une balise. Un sac de frappe, là pour expulser les choses brûlantes. Le coeur délaissé qui se remet à battre, plus fort encore… C’est indéniablement une démarche d’écrivain, même si Fredz ne le revendique pas un seul instant, lui qui rêve un jour pourtant d’écrire un livre.
Surtout, Fredz veut monter sur scène. Croiser le public. Enfin s’incarner. Le temps d’un destin.